Quel maître de stage je veux être…

Petite intro pour vous expliquer le pourquoi du comment de cet article (mea culpa mais je sens que j’ai un peu besoin de me justifier sur ce coup là…). Début 2019, je vous partageais sur les réseaux sociaux les objectifs que je nous fixais à mes stagiaires et moi. Clairement, je regrettais de n’avoir aucune consigne ou topo des attentes de la part des centres de formation en orthophonie pour me guider dans mon rôle de maître de stage . A défaut de n’avoir rien pour m’aider, j’avais décidé de créer mon propre programme pour stagiaire décliné en 5 étapes. Rien de bien folichon mais un petit programme auquel me raccrocher pour structurer la formation de mes stagiaires. Et là, j’ai pu constater grâce à vos retours sur les réseaux que je n’étais pas la seule à me remettre en question sur mon rôle de maître de stage. Fait-on assez? Assez bien? Est-ce assez pédagogique? Structuré? Faut-il proposer uniquement de l’observation ou demander au stagiaire d’être acteur de la séance? Quelles acquisitions de compétences sont attendues selon l’année d’études du stagiaire? Bref, je ne vais pas pouvoir répondre à ces questions et j’espère qu’une personne bossant en centre de formation ortho passera par là et verra qu’on manque cruellement d’indices… Bref, tout ça pour dire que j’ai beaucoup discuté, suite à ces posts, avec des orthos qui m’ont sollicitée pour écrire un article plus complet sur mon petit programme fait maison. J’ai hésité à me lancer car je l’avoue j’avais peur de passer pour l’agaçante madame je-sais-tout. Mais après tout si ça peut servir sans que ça donne une impression de faire la morale, je me lance…

DÉVELOPPER SON SENS CLINIQUE

En début de stage, j’aime ne pas donner d’informations à mon stagiaire pour lui laisser l’opportunité de développer son sens clinique. Le stagiaire est uniquement en observation. Je lui donne l’âge du patient, depuis combien de temps je le suis et à quelle fréquence. Ensuite je démarre la séance comme d’habitude et je demande à mon stagiaire de noter tout ce qu’il observe. Evidemment, l’activité rééducative choisie est un indice. A l’issue de la séance, on débriefe (avec ou sans le patient selon le feeling que je peux avoir avec lui) et le stagiaire énonce tous les signes cliniques qu’il a pu observer et propose des pistes diagnostiques. Un vrai travail de détective qui leur demande d’ouvrir les yeux et les oreilles et d’affiner leur sens clinique! Par la suite on reprend ensemble le dossier et le compte-rendu du patient. De la même manière, j’essaye toujours de programmer, si cela est possible, les nouveaux bilans sur la journée de stage des stagiaires.

LE BILAN ORTHOPHONIQUE

Comme dit précédemment, j’essaye dans la mesure du possible de proposer à mon stagiaire l’observation d’une ou plusieurs passations de bilan orthophonique. Afin de bien structurer cette étape, je profite d’une pause déj ou annulation pour expliquer plusieurs points essentiels au bilan ortho:

  • Comprendre la nature de la demande lors du 1er contact téléphonique en ciblant les questions à poser et les données à recueillir
  • Avoir en tête les obligations administratives: ordonnance médicale, carte vitale et autres moyens de paiement, DEP, nomenclature, etc.
  • Choisir les tests de bilan en fonction de la demande
  • Mener la passation des épreuves: outils pratiques comme le dictaphone ou le chronomètre, énonciation des consignes, prises de notes, attitude vis à vis des erreurs du patient, etc.
  • Analyser qualitativement et quantitativement les résultats aux épreuves
  • Rédiger le compte-rendu de bilan en respectant la structure obligatoire et en faire la restitution au patient.

Il m’arrive de demander au stagiaire (à partir de la 3ème année d’études) de se familiariser avec quelques épreuves de bilan, de les administrer au patient puis de rédiger une analyse quanti et quali que l’on corrigera ensemble par la suite. Généralement, je choisis un bilan de renouvellement afin que le patient soit plus à l’aise. Et bien évidemment je suis TOUJOURS présente à côté du stagiaire.

ÉTABLIR UN PROJET THÉRAPEUTIQUE

Une fois la phase “affinage du sens clinique” passée, je sors le compte-rendu de chaque patient que le stagiaire rencontre. Je m’efforce de mettre en avant la nécessité de faire des liens entre la plainte et les besoins du patient et les données du bilan orthophonique pour établir des objectifs thérapeutiques précis, adaptés et réalisables. J’essaye vraiment de leur faire comprendre que ce projet thérapeutique est essentiel et qu’il doit absolument apparaître dans le CRBO. Je leur montre en live que ma séance est complètement articulée autour de ce projet thérapeutique. Généralement les stagiaires apprécient de lire les CRBO puis d’observer les patients en rééducation. Cela leur permet de faire des liens avec ce qu’ils ont appris en cours théoriques à l’école.

ORGANISER LA SÉANCE

Au fil des journées de stage, je présente aussi aux stagiaires mes méthodes d’organisation d’une séance d’orthophonie. Voici les points que j’évoque lorsque le moment se présente:

  • Gérer le temps de la séance pour éviter de se mettre en retard sur les autres rdv de la journée
  • Organiser ses dossiers patients et notifier clairement le projet thérapeutique pour l’avoir du premier coup d’œil
  • Choisir ses activités thérapeutiques à l’avance et garder une cohérence d’une séance à l’autre
  • Prendre le temps d’expliquer à la famille ce qui a été fait en séance voire les intégrer à la séance
  • Gérer les temps de paiements

Mon objectif est vraiment de leur apporter des idées organisationnelles pour leur éviter de se sentir dépasser par le temps. Même si leur diplôme n’est pas pour tout de suite, je pense que c’est important de les familiariser dès maintenant à ce point qui a tendance à nous bouffer.

CRÉER UNE ACTIVITÉ SELON UN AXE THÉRAPEUTIQUE PRÉCIS

C’est ma partie préférée! L’objectif est de réfléchir aux projets thérapeutiques, à adapter chaque séance, chaque activité, chaque jeu. Même si les clichés sont solides, l’orthophoniste ne passe pas ses journées à jouer avec n’importe quel jeu juste dans le but de “faire du langage”. Il me paraît essentiel que les stagiaires développent cette capacité à comprendre les tenants et aboutissants du projet thérapeutique (je dis beaucoup ce mot dis donc!), à choisir ou créer une activité qui ira dans ce sens et surtout à évaluer son efficacité. Etre capable d’analyser les bénéfices d’une activité pour le patient mais aussi de réajuster si besoin. Pour cela, je propose aux stagiaires de créer des activités pour des patients spécifiques et à partir d’axes thérapeutiques bien précis. Je donne toujours 1 semaine pour se préparer afin que l’on puisse en discuter, corriger, réajuster avant de l’utiliser en séance. Pour le coup, tous mes stagiaires me disent qu’à l’école d’ortho on ne leur apprend pas à créer du matériel rééducatif, je trouve ça tellement dommage! J’ai vraiment l’impression qu’ils ne font pas assez d’études de cas et quand ils commencent à bosser ils ne se sentent pas du tout armés et crédibles. Il ne faut pas s’étonner de voir autant d’orthos frappés par ce fameux syndrome de l’imposteur. Depuis que les études sont passées à 5 ans, les jeunes orthos ont beaucoup + d’heures de cours. C’est vraiment dommage que ce temps ne soit pas mis à contribution pour faire davantage de pratique, s’entraîner à côter des bilans, à rédiger des CRBO et à créer des activités rééducatives. Bref, c’est mon avis, ça ne tient qu’à moi… mais je pense qu’il y a un lien entre ce manque de structure de l’enseignement pratique des étudiants et ce manque de confiance en soi au lancement de sa carrière professionnelle.

Voilà mon petit programme! Cette année, j’ai déjà 3 stagiaires de prévu et j’espère pouvoir peaufiner mon programme. J’aimerais aussi avoir vos retours et vos témoignages afin que l’on partage nos techniques de maîtres de stage! Merci de m’avoir lue et merci à mes stagiaires qui m’apportent tellement.

5 réponses sur “Quel maître de stage je veux être…”

  1. Merci beaucoup pour cet article ! Je l’attendais tant 😀 j’ai une stagiaire qui commence jeudi, je vais directement mettre en pratique ton « programme » de stage. Je te ferai part de mon retour après quelques temps 🙂

  2. Coucou ! Je n’ai pas encore de stagiaires mais je garde ce programme à dispo au cas où 🙂 merci. En Belgique par contre nous avons passé beaucoup d’heures à côter des bilans, rédiger des CRBO, des plans thérapeutiques et à créer des activités rééducatives. Nous devions même prévoir un ‘agenda’ pour chaque patient et chaque séance où nous devions notamment avoir réfléchi aux aides qu’on allait apporter si ça se passait mal pour le patient, à la façon de le complexifier si trop facile etc… 🙂 je peux peut-être te trouver des ‘modèles’ si ça t’intéresse 🙂 bises

  3. Bonjour, serait-il possible de faire un article sur l organisation de ton dossier patient? Tu parles notamment de mettre en avant dans le dossier les objectifs thérapeutiques. Ça m intéresse comme tout ce que tu nous proposes;-)

  4. Merci pour cet article très intéressant moi qui reçoit des stagiaires à l’hôpital et au cabinet. Je me sens si souvent démunie par rapport à leurs attentes vs les miennes et aucune aide du centre de formation… Je prends note et vais tester.

  5. Merci bcp. J’ai eu une première stagiaire en mai. Cette année, je me lance avec 2 autres. Ton article me permet d’avoir un fil conducteur. Top !

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